Projection & débat : « Quand les bulles éclatent », avec Gérard Foucher (dimanche 22 janvier)


Projection & Débat :
Film : Quand les bulles éclatent, distribué par Jupiter film (1)
Lieu : Cinéma Publicis – Champs-Elysées, Paris (2)
Date : Dimanche 22 janvier, à 15 h
avec Gérard Foucher, conférencier et auteur sur la monnaie (3)

C’est dans la petite commune de Vik, sur la côté ouest de la Norvège, que le réalisateur Hans Petter Moland a décidé de poser sa caméra pour témoigner des conséquences concrètes de la crise de 2008. Peu avant la crise, les habitants avaient lancé un vaste projet de désenclavement de la ville. En prévision de ce grand investissement, ils avaient mis toute la trésorerie de la bourgade dans des obligations que leur avait vendues Citigroup, via la Vik Savings Bank… Des produits réputés sûrs et garantis. Mais c’était sans compter sur la crise dite des subprimes, qui a vu s’envoler l’intégralité de leurs économies et, avec elles, leurs rêves de désenclavement.
Tel est le point de départ de ce road-movie économique où l’on va suivre, durant tout le documentaire, le voyage initiatique des élus du village, partis outre-Atlantique comprendre comment et pourquoi ils avaient été abusés. Comment cette petite ville aisée, enrichie pendant des années par l’industrie hydro-électrique, s’était retrouvée ruinée. Comment cette ville élue « ville la plus agréable à vivre de Norvège » (pays lui-même élu « pays le plus agréable à vivre au monde ») avait perdu sa quiétude.
Les interviews d’économistes tout au long du documentaire fonctionnent comme un fil conducteur pour prendre par la main le spectateur et l’amener à la prise de conscience de la nature profonde du problème. À ce titre, Carlota Perez, historienne économique, y tient le premier rôle. Elle replace cette crise des subprimes dans la longue succession des crises qui ont rythmé ces deux derniers siècles.
À chaque fois le même processus. À chaque fois l’arrivée d’une révolution technique (généralement accompagnée de nouveaux moyens de communication (les canaux, les trains, les bateaux à vapeur, l’automobile, puis internet…). À chaque fois une crise, suite à l’explosion de la bulle financière du crédit qui avait accompagné la révolution. À chaque fois un âge d’or après la reprise en main de la régulation financière (l’ère victorienne, la belle époque, les 30 glorieuses…). Mais cette fois-ci, il pourrait bien en être différemment. Car pour la première fois dans l’histoire les marchés financiers sont devenus plus puissants que les États, et les multinationales au-dessus de nos gouvernements.
Nous avons choisi de retranscrire ici trois extraits particulièrement pertinents :
Extrait n°1 – interview de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’Économie (4) :

« Il y a eu une période de plusieurs décennies, après la Dépression et la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle a été mise en place une régulation très encadrée et cela a marché. Ces textes empêchaient la formation d’énormes bulles. Il n’y a plus eu de crise financière pendant 30 ans (5). Ensuite, sous l’influence du fondamentalisme du marché, avec des marchés qui s’auto-alimentent, avec Thatcher et Reagan, on s’est débarrassé de ces régulations. L’argument masse était : pourquoi régulier s’il n’y a plus de crise ? Alors que c’était ces régulations qui empêchaient le retour de la crise. Une fois que nous nous sommes débarrassés des régulations, on a vu une bonne centaine de crises dans le monde depuis 1980. »

Extrait n°2 – interview de Martin Wolf, journaliste économique au Financial Times :

« Dans la zone euro, les créanciers ont tous les pouvoirs parce que les gouvernements ne sont pas souverains, ils sont dépendants. Ils ne contrôlent ni leurs finances, ni leur banque centrale, ni leur politique monétaire. On pourrait même dire qu’ils n’ont qu’un rôle local, mais ce ne sont pas de vrais gouvernements. Ils sont donc dépendants du bon vouloir de leurs créanciers. »

Extrait n°3 – Bill Janeway, investisseur en capital risque :

« On ne peut pas obtenir simultanément trois choses que tout le monde désire (NDLR : non… pas tout le monde…). La mondialisation, autrement dit l’intégration des marchés financiers, pas une mondialisation en termes de mouvements de biens et de personnes, mais de transactions monétaires instantanées et illimitées. Cela n’est pas compatible avec une souveraineté nationale, et là je parle d’autonomie politique, et soutenir une démocratie opérationnelle. On pourrait abandonner la démocratie et laisser les gouvernements à la merci du diktat des marchés financiers. On pourrait avoir un système politique intégré, et abandonner notre autonomie, ce que les pays de la zone euro ne sont visiblement pas prêts à faire. Ou alors, comme nous l’avons fait après la Seconde Guerre mondiale, on limite le mouvement des capitaux. De ces trois alternatives, limiter les mouvements de capitaux, en dépit de ce que diront les économistes et les financiers, est la moins mauvaise des solutions. »

Il s’agit peut-être de trois des extraits les plus éclairants du documentaire, mais la qualité de celui-ci tient, d’une manière générale, beaucoup à la grande qualité des interviews d’experts économiques, et en premier lieu, de Joseph Stiglitz (toujours très juste) et de Michael Hudson. Sur la forme, le documentaire bénéficie également d’une image très travaillée et d’une scénarisation qui en fait plus qu’un documentaire. C’est aussi un film très bien documenté, avec notamment des images pour moi inconnues de Central Park dans les années 30 (surprenant !) ou les images très fortes de Détroit, une ville en ruine, comme abandonnée après une guerre… une guerre économique.
Bande annonce :

Quand les bulles éclatent pourrait être un excellent préquel au documentaire Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent, tant il se termine précisément là où Demain démarre… Sur ce constat d’une fin de cycle, et la nécessité absolue de réfléchir à l’après.
Nico Las (TDH)

(1) À propos de Jupiter film
Fondé en 1986 par Jan Roeloffs, Jupiter film distribue une offre cinématographique spécialisée dans les documentaires. La société a tout particulièrement attiré notre attention l’an dernier, en assurant successivement la diffusion de plusieurs films marquants. Ainsi, sortait en janvier 2016 sur les écrans français (trop peu nombreux) le documentaire Les nouveaux loups du web, nous plongeant dans l’enfer du big data et la protection (ou pas) des données personnelles.
Suivait quelques mois plus tard, L’oracle, un documentaire sur Martin Armstrong, ce conseiller financier américain responsable d’un très puissant fond d’investissement aux États-Unis, qui a mis au point un modèle informatique apparemment capable de prédire les tournants décisifs de la vie économique mondiale.
Et enfin, à la rentrée de septembre, le documentaire Nouveau monde, voyage initiatique à travers la France pour aller à la découverte des très nombreuses initiatives locales faisant la promotion d’une société plus solidaire.
     
La société diffuse ainsi un panel très varié de documentaires, tantôt critiques à l’égard de notre société, dans le but de réveiller les consciences… Tantôt bienveillants à l’égard des initiatives alternatives, dans le but cette fois d’élever les consciences.
(2) À propos du Cinéma Publicis
Le Cercle ne serait pas le Cercle si nous ne précisions pas ici que le Cinéma Publicis est la propriété du groupe éponyme, leader français (avec Havas, propriété de Vincent Bolloré) et l’un des leaders mondiaux, de la publicité et de la communication. Publicis a été fondé par Marcel Bleustein-Blanchet en 1926 et a fait la fortune d’Elisabeth Badinter, épouse de Robert Badinter (ministre de la Justice de François Mitterand de 1981 à 1986) et l’une des premières fortunes françaises. Elle avait fait scandale l’an dernier en déclarant au micro de Patrick Cohen : « Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe » (à écouter ici).
(3) À propos de Gérard Foucher
Les habitués du Cercle des Volontaires connaissent bien Gérard Foucher. Auteur du livre Les secrets de la monnaie, Gérard Foucher est aussi conférencier. Spécialiste de la monnaie, il parcourt la France (et parfois même un peu plus) pour vulgariser les questions économiques et monétaires. Un travail inestimable d’éducation populaire.
Ceux qui ont fréquenté Nuit Debout l’an dernier ont pu le croiser place de la République où Gérard a organisé débats et « jeux de la monnaie » dans le cadre de la Commission création monétaire.
Nous avions eu le plaisir de l’accueillir dans notre Dîner du Cercle n°5 sur le thème : Union Européenne et création monétaire (à revoir ici). À noter également que Gérard Foucher est l’invité de la toute récente émission Les Gens Qui Sèment n°2 sur le thème Changer la monnaie pour changer le monde (à découvrir ici, nous en reparlerons sûrement très prochainement).
(4) dont le vrai nom est « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel »
(5) dans le cadre du New Deal était prévue une séparation des banques de dépôt et d’investissement (appelé Glass-Steagall Act). Comme quoi les problèmes et leurs solutions sont bien connus de tous, et ce depuis longtemps.
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