Hakim Loumi, citoyen engagé, organise ateliers constituants et conférences… entretien

Le Cercle des Volontaires a eu le plaisir d’aller à la rencontre d’Hakim Loumi, organisateur, le samedi 3 septembre dernier, d’une conférence d’André Bellon sur le thème « Sommes-nous en démocratie ? ». Organisée avec l’aide de Nadia Bouallak, membre du Comité Citoyen Montreuillois, cette conférence était suivie d’un atelier constituant.
Nous vous proposons la vidéo filmée de la conférence en bas de l’article.

  • Début de la vidéo : présentation de Nadia Bouallak
  • 5 min 25 : présentation d’Hakim Loumi (initiation aux définitions de constitution et de démocratie)
  • 38 min 15 : conférence d’André Bellon
  • 1 h 10 min : questions / réponses

Place à présent à l’entretien avec Hakim Loumi qui nous explique notamment ce qui a déclenché en lui l’envie de militer et d’organiser ce type de conférence.

Peux-tu nous expliquer ton parcours ?

Hakim Loumi : Je suis un simple citoyen parmi tant d’autres qui a été élevé et éduqué au goût sucré de l’infantilisation civique comme nous tous. D’abord l’école, puis les médias et enfin la société civile m’ont convaincu que le système politique dans lequel nous étions était la meilleure incarnation de la démocratie et qu’en échange de ma voix une fois de temps en temps, des gens très sérieux, dévoués et plus compétents allaient s’occuper de tout. Je dois admettre que j’y ai cru très longtemps et je n’y trouvais rien à redire car ça me convenait tant j’étais moi-même occupé à construire ma vie personnelle et professionnelle. Et à mesure que je vieillissais, à force de voyages, de rencontres et d’expériences individuelles et collectives je sentais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas dans cette mécanique mais je ne savais pas quoi.
C’est en 2008 qu’il y a eu le déclic, quand les parlements européens, les uns après les autres ont ratifié le traité de Lisbonne au mépris du résultat contradictoire des référendums de 2005 et que les gouvernements se montraient incapables de gérer la crise financière. À ce moment précis, le goût sucré est vite devenu amer et j’ai envisagé que les scandales politico-financiers, l’arrogance et le mépris de certains hommes politiques, les ambitions personnelles, les promesses électorales non tenues et le trucage des élections n’étaient que les symptômes d’un mal bien plus profond que l’égarement de simples brebis galeuses.
Étant informaticien, j’ai pour habitude de sortir constamment du cadre qui nous est imposé quand un problème semble insoluble. Pour chercher à comprendre d’où pouvait bien venir le problème c’est donc naturellement que je me suis intéressé au cadre de nos institutions, à savoir la Constitution et le système représentatif.
Féru d’histoire et de science politique, j’ai cherché à m’informer autrement en assistant à des conférences. Pour comprendre les systèmes politiques, je me suis plongé dans la lecture de classiques (Platon, Aristote, Montesquieu, Locke, Rousseau, La Boétie, Tocqueville, Machiavel) et d’auteurs plus contemporains (Arendt, Pateman, Sintomer, Blondiaux, Rosanvallon, Manin, Van Reybrouck). Quant à ma compréhension de la mécanique électorale, j’ai étudié notamment les théories mathématiques de Condorcet et de Borda ainsi que l’ensemble des modes de scrutin possibles. Tout ceci m’a permis de me rendre compte que depuis les origines, le système institutionnel tel qu’on me l’avait enseigné ne reposait que sur du sable, que l’élection pouvait être truquée légalement et que seuls ceux qui avaient un intérêt dans ce système le faisaient tenir.
Tout ceci pouvait très bien convenir à une société agraire comme celle du 18e siècle où l’accès à l’information et à l’éducation était faible et réservé à une élite, mais aujourd’hui cette vision paternaliste de la politique ne peut plus avoir sa place dans la France du 21e siècle.
Les nombreux exemples de citoyens ayant décidé de reprendre les choses en main au Canada, en Islande et en Irlande m’ont convaincu que la solution pouvait venir de gens ordinaires désintéressés par nature par la profession de politicien, mais déterminés à œuvrer pour le bien commun.
Quand j’ai donc entendu pour la première fois parler de constituante, l’idée de faire réécrire la Constitution par des citoyens est devenue pour moi plus qu’une évidence, c’était une nécessité.

Pourquoi organiser des conférences ?

Hakim Loumi : Pendant longtemps j’ai assisté à des conférences et participé à des ateliers constituants mais les formats proposés ne me convenaient pas, j’en discutais avec les autres participants et nous ressortions frustrés et avec plus de questions qu’en arrivant. J’ai donc pris l’initiative d’en organiser moi-même.
Je voulais permettre aux participants de pouvoir échanger avec des experts qui pouvaient leur apporter des éléments de réponse. C’est pourquoi nos ateliers sont toujours précédés d’une conférence où l’on fait venir une personnalité qui a travaillé sur la thématique du jour. Nous cherchons à éviter les caricatures en essayant de rester le plus objectif possible afin de laisser les participants se faire leur propre opinion éclairée.
Au début j’étais seul et pendant plusieurs années j’organisais ces ateliers de manière très ponctuelle et avec énormément de difficultés. Le simple fait de trouver une salle sans se ruiner est un véritable parcours du combattant et pour qu’elle soit disponible régulièrement c’est encore pire. De plus, convaincre les conférenciers de venir remettre en question nos institutions fait peur, surtout quand vous êtes seul et sans structure associative. Il fallait constamment les rassurer qu’il ne s’agissait pas d’une démarche de la fachosphère. Vous savez, l’idée de faire travailler des citoyens sans étiquette, de manière désintéressée, sans vision sectaire ou manichéenne de la société en a dérouté plus d’un. Heureusement cela en a aussi passionné beaucoup d’autres.
Mais le vrai tournant c’est ma rencontre avec Nadia Bouallak du Comité Citoyen Montreuillois (un mouvement sans étiquette de citoyens voulant faire de la politique autrement).
Il s’agit d’une personne très sérieuse et vraiment motivée qui a permis que tout s’accélère en m’apportant l’aide logistique qui me manquait. Tout de suite nos projets ont trouvé des points communs et depuis juin nous proposons un atelier mensuel à Montreuil dans une belle salle à deux pas du métro reliant le centre de Paris en moins de 15 minutes.
Nadia ne s’est pas arrêtée là et a aussi permis que l’équipe grossisse et qu’elle se fasse connaître. J’en profite donc pour la remercier ainsi que Jules Debuyst et Sophie Bernhardt qui font partie de l’aventure depuis ses débuts. C’est d’ailleurs sous leur impulsion à tous que nous avons décidé de créer le collectif SynerJ pour passer à la vitesse supérieure.

Peux-tu nous parler de tes projets en préparation ?

Hakim Loumi : Travailler avec SynerJ, renforcer l’équipe et proposer de beaux évènements est devenu notre priorité. Nous nous rencontrons souvent pour discuter de nos actions futures et nous répartir les tâches. Les retours que nous avons de nos ateliers sont tous positifs et très encourageants. Les choses commencent à prendre et nous avons de plus en plus de participants qui reviennent. C’est pourquoi nous avons décidé de nous équiper sérieusement pour filmer et mettre en ligne tout le travail que nous effectuons. Le site internet https://synerj.org a donc vu le jour, nous possédons désormais une adresse unique à laquelle tout le monde peut nous écrire collectif@synerj.org, ainsi qu’une page Facebook https://www.facebook.com/CollectifSynerJ et un compte Twitter @SynerJ_org afin de rester en contact avec nos sympathisants.
Tout en continuant les ateliers de réécriture de la Constitution, nous allons aussi proposer d’autres formats comme l’organisation de tables rondes, des interviews et l’organisation d’un forum citoyen où nous ferons venir plusieurs collectifs et associations citoyennes afin de les faire connaître du plus grand nombre.
À titre personnel, j’écris le scénario d’un documentaire autour de la démocratie directe que j’ai à cœur de pouvoir réaliser le plus vite possible et pour cela je pense que je ferai appel au crowdfunding [NDLR : financement participatif] pour m’aider à le financer.

Qu’est ce qui t’a amené à inviter André Bellon ?

Hakim Loumi : Je ne connaissais pas André Bellon et c’est Nadia qui l’a fait venir. Tout le mérite lui revient donc.
Ce qui m’a plu chez lui c’est tout d’abord son parcours. Il est toujours très intéressant de pouvoir échanger avec des personnes qui viennent du monde que l’on cherche à changer et qui en ont un regard très critique. La chose est suffisamment rare pour être soulignée. Ensuite, c’est son combat actuel bien entendu, à savoir la constituante. J’apprécie son approche car il cherche à fédérer tout en laissant l’autonomie à chaque entité qui le rejoindrait, il cherche à informer sans formater et il considère le tirage au sort comme un outil et non comme une fin en soi. À titre personnel ce sont des points qui m’ont plu.

Quelles sont les conférences en préparation ? 

Hakim Loumi : Vous pouvez retrouver l’agenda complet de nos futurs évènements sur le site https://SynerJ.org.
Sachez toutefois que nous recevons Loïc Blondiaux le 5 novembre toujours dans la salle Stéphane HESSEL à Montreuil à 14 h. Ce professeur de science politique à la Sorbonne, chercheur au CNRS et grand spécialiste de la démocratie directe nous fait l’honneur de venir débattre d’un sujet qui revient sans cesse, à savoir la grande question de la transition démocratique — comment passer de la démocratie représentative à la démocratie directe ?
Il s’agit d’une question complexe et centrale car l’on a bien vu ces derniers mois comment le pouvoir en place (au sens large) gère ce type de velléité… puisqu’il possède la force, la loi, l’argent et les médias pour s’y opposer.
Pour un sujet aussi important nous nous devions de faire intervenir un spécialiste comme Loïc Blondiaux. J’en profite donc pour inviter tout le monde à venir participer à cet atelier qui, à n’en pas douter, s’annonce déjà comme un moment phare de notre travail de réflexion collective.
À noter que même si la Constitution est un élément fondamental à faire évoluer, bien d’autres sujets qui font notre société nécessitent aussi d’être débattus et d’être repris en main par les citoyens. D’ailleurs c’est à ça que l’on reconnait la vivacité d’une démocratie : quand les citoyens s’estiment être légitimes et compétents à traiter de tous les sujets sensibles qui les concernent.
C’est pourquoi nous proposons une table ronde le 10 décembre sur le pouvoir et la corruption avec Philippe Pascot (auteur de Pilleurs d’État), Yvan Stefanovitch (auteur de Le Sénat – Un paradis fiscal pour parlementaires fantômes), Stéphanie Gibaud (lanceuse d’alerte de l’affaire UBS) et Etienne Chouard (promoteur de la démocratie directe).
Enfin nous préparons le Forum SynerJ du 28 janvier à Montreuil. Nous inviterons un grand nombre de collectifs et d’associations citoyennes pour qu’ils viennent débattre et présenter leurs initiatives au plus grand nombre.
Propos recueillis par Nico Las (TDH)

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