Européiste ou europhobe ? Euro-unioniste ou anti-UE !

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Les mots ont un sens, et d’autant plus d’importance que c’est en partie avec eux qu’on pense. Il n’est donc pas anodin que dans le langage courant et surtout médiatique, un chantre de l’Union européenne (a fortiori quand il est fédéraliste) soit un « européiste », tandis que celui qui fait montre de plus de réserve vis-à-vis de l’UE est un « eurosceptique » voire un « europhobe ».

Europhobe

Ce dernier terme est composé de deux morphèmes qui posent tous deux problème : « euro » et « phobe ». Prenons-les dans l’ordre.
Euro : Voilà qui suggère que l’on parle de l’Europe ou des Européens. Il n’en est pourtant rien. Le sujet est bel et bien l’Union européenne. Le raccourci qui consiste à assimiler l’Union européenne à l’Europe est au mieux un abus de langage, et au pis une escroquerie intellectuelle. Ne confondons pas une construction politique et ses institutions avec l’Europe. Que l’on considère cette dernière comme un continent, une civilisation, les terres d’un « peuple européen », une princesse phénicienne ou un groupe de hard-rock suédois, elle est bien distincte de l’Union européenne. Confondre les deux, volontairement ou non, entretient l’idée fausse et malsaine selon laquelle une critique de l’UE serait une critique de l’Europe. Certes, « l’Union européenne », c’est un peu plus long à dire que « l’Europe »… mais pas « l’UE ».
Phobe : du grec ancien φόβος, phóbos (« fuite éperdue, peur, effroi »). Tout un programme. L’opposition à l’UE serait donc une émotion primaire, irréfléchie, instinctive, presque sauvage. L’europhobe, non content d’être opposé à l’Europe, en serait effrayé, et la fuirait désespérément. Sa position ne serait pas le fruit d’une réflexion politique rationnelle, mais la réaction à une pulsion animale.
Si les europhobes ont peur de l’Europe, c’est qu’ils ont peur des Européens, donc des étrangers, auxquels ils préfèrent leurs compatriotes. C’est donc qu’ils sont nationalistes et, n’ayons pas peur des mots, xénophobes… voire racistes — à moins qu’ils ne s’incluent dans les Européens et n’aient peur d’eux-mêmes. Un europhobe serait donc xénophobe, et éventuellement autophobe en prime.

Européiste, europhile

On retrouve dans ces termes le préfixe euro- ; ainsi l’européiste serait simplement partisan de l’Europe. Examinons l’europhile.
Phile : du grec ancien φίλος, philos (« ami, amant »). L’europhile serait donc l’ami de l’Europe. Quoi de plus charmant ? Comment peut-on décemment trouver quoi que ce soit à redire au fait d’être l’ami de l’Europe ? Qui pourrait bien être assez misanthrope pour déplorer les sentiments d’amitié ? Manifestement, pour critiquer l’europhilie ou les europhiles, il faut être bien europhobe.

Euro-unioniste

Écarter les mots jugés nuisibles est une chose, mais encore faut-il pouvoir s’exprimer clairement et avec concision. Il convient donc de trouver comment les remplacer. Alors, comment qualifier un partisan de l’UE ? C’est un euro-unioniste. Ce terme simple, clair, relativement court, décrit cette position sans porter de jugement de valeur. À vrai dire, sa connotation demeure assez positive, car elle hérite de celle du mot « union ». Mais enfin, le nom de l’Union européenne est ce qu’il est. On pourrait discuter de son bien-fondé, car les pays de l’UE ne sont peut-être pas si unis, mais tout baptême de parti, d’association ou d’entité politique est une forme de promotion — la Corée du Nord s’appelle bien République populaire démocratique de Corée.

Anti-UE, anti-unioniste

Qu’est-donc que quelqu’un qui s’oppose à l’UE ? On pourrait parler d’anti-euro-unioniste, mais avouez que c’est un peu lourd. Raccourcissons : anti-unioniste, ou anti-UE. Voilà qui exprime assez clairement cette position sans la juger implicitement.

Choisissons nos mots

Euro-unioniste, pro-UE, anti-unioniste, anti-UE, ou autres… peu importe. Après tout, l’essentiel est de garder à l’esprit qu’europhile, eurosceptique et europhobe ne sont pas des termes neutres, qu’il sont chargés d’idéologie… euro-unioniste ! Leur emploi n’est pas sans conséquence, et il nous appartient, si nous souhaitons débattre clairement, sereinement et efficacement, d’être prudent dans le choix de notre vocabulaire, et de ne pas tomber dans le piège de la novlangue.
Alexandre Karal
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