« L’apéro chez Valls », première étincelle révolutionnaire de la « Nuit Debout » ?

Je dois confesser que j’étais en train de réfléchir à l’écriture d’un article plutôt critique à l’égard de la « Nuit Debout », et notamment de son caractère extrêmement lisse et trop loin, pour l’instant, de nos envies révolutionnaires quand un évènement inattendu est venu animer notre soirée de ce samedi 40 mars 2016… jour 9, et par là-même réveiller nos espoirs !
Valls nous a donné rendez-vous chez lui pour l’apéro !
Une partie de notre rédaction était réunie non loin de la place de la république et s’apprêtait, comme presque chaque soir cette semaine, à rejoindre la « Nuit Debout », quand nous avons reçu un message nous informant d’un soudain mouvement de foule au départ de République.
Vers 22 h 30, une citoyenne a profité de son tour de parole à l’AG pour lancer l’idée d’aller rendre une petite visite nocturne à Manuel Valls (oubliant certes qu’il vient d’atterrir ce samedi en Algérie pour un voyage officiel), en s’exclamant « la révolution, c’est maintenant ». Et loin de faire le flop que l’on aurait pu craindre, les bien sages participants de la « Nuit Debout » se sont levés comme un seul homme pour répondre à l’appel.
Marchant dans les rues de Paris, par le Boulevard Voltaire, les manifestants, au nombre d’un à deux milliers selon les témoignages que nous avons pu recueillir, se sont alors rendus en direction de la rue Keller où habite Manuel Valls (comme le firent il y a peu des agriculteurs bretons, chez Stéphane Le Foll). Nous les voyons ici marcher dans le calme, et aux cris de « chez Valls l’apéro », rue de la Roquette, à deux pas de leur objectif :

Il semble toutefois qu’ils ne soient pas entrés rue Keller et qu’une partie des manifestants aient alors emprunté le passage Charles Dallery. C’est au bout de cette rue que des affrontements ont eu lieu avec la police devant le commissariat du XIème arrondissement, comme en témoigne cette autre vidéo, malheureusement de très mauvaise qualité.
Nous sommes arrivés sur place peu de temps après et avons pu filmer un reportage qui est en cours de montage à l’heure où j’écris ces lignes. Voici en attendant quelques photos qui témoignent de la tension des forces de l’ordre aux abords du commissariat, juste après les faits :

La foule a alors repris son chemin en direction de la place de la République, comme elle l’avait quittée, dans une ambiance bon enfant, pour son immense majorité.
Signe d’un mouvement parfaitement spontané et hors de contrôle, on peut constater sur la vidéo ci-dessous qu’une partie au moins de la foule avait quitté la place de la République par l’avenue de la République, ce qui n’était pas à proprement parler le chemin le plus direct pour se rendre rue de la Roquette :

En marge de la majorité des manifestants marchant dans une ambiance joviale, de petits groupes ont perpétré des dégradations importantes. Dégradations extrêmement ciblées sur les banques (nous avons pu filmer une vingtaine de banques dégradées, dont deux au moins ont vu leurs vitres cassées et intérieur saccagé), et les affichages publicitaires, notamment ceux relatifs aux médias.

À notre connaissance un tel mouvement de foule, de par son ampleur (un à deux milliers de personnes), sa cible (l’appartement du Premier Ministre) et sa spontanéité totale est une première dans Paris, dans l’histoire des luttes modernes en tout cas.
Cet évènement pourrait être un élément clé du mouvement « Nuit Debout ». Les heures à venir vont être riches d’enseignements. Les autorités, très passives, voire clairement complaisantes jusqu’à présent, vont-elles siffler la fin de la récré ? Où à l’inverse le mouvement va-t-il prendre une tournure incontrôlable ?
Dans cette seconde hypothèse, cela serait un joli pied de nez à l’attention de notre oligarchie, et en premier lieu, à l’un de ses plus célèbres chiens de garde, j’ai nommé Jean-Michel Apathie. On se souvient en effet des propos très condescendants du journaliste vedette d’Europe 1 à l’adresse de François Ruffin qu’il recevait il y a à peine plus d’un mois pour la sortie de « Merci Patron ». Il avait ainsi raillé le fondateur de Fakir en déclarant : « Sauf à vous méprendre sur votre propre pouvoir, vous n’êtes pas près de renverser l’oligarchie » (nous avions relaté les faits ici).
Mais surtout cette petite escapade nocturne n’est pas sans rappeler un précédent notoire, le 14 juillet dernier, dans le cadre du « Mouvement du 14 juillet » (voir le résumé de cette folle journée ici), créant un précédent, certes un peu moins spontané (puisque planifié de longue date) mais tout aussi imprévisible pour les autorités. On avait pu y voir, en ce jour ô combien symbolique, un à deux milliers de citoyens (déjà, à l’époque) manifester, sans autorisation, dans tout Paris, et durant toute l’après-midi, déjouant les forces de l’ordre, dans un mouvement chaotique à en faire pâlir Robert Brown…
Et cela nous amène évidemment à évoquer ici l’un des leaders, à l’époque, de ce mouvement du 14 juillet, Sylvain Baron. Activiste renommé, très engagé dans la lutte contre l’Union Européenne (avec son association, « les décrocheurs » qui décrochent des drapeaux européens partout en France, dans un geste très symbolique), Sylvain est aussi et surtout un expert de « l’Insurrection Intelligente » qu’il a beaucoup étudiée.
Il a pu ainsi intervenir dans le cadre de la « Nuit Debout » aux toutes premières heures du mouvement, comme le relayaient ici nos confrères et amis de l’Agence Info Libre :

On y voit Sylvain expliquer que le mouvement de la « Nuit Debout » doit justement en passer par des coups d’éclat comme on a pu le voir cette nuit. Convaincu, comme nous d’ailleurs, que les médias sont « la » cible de choix, et la clé de voûte du système, il avait lui plutôt proposé d’aller rendre visite à Radio France.
Mais malheureusement, suite à cette intervention, les « Antifas », toujours à la solde du système qu’ils prétendent combattre, le chassent nuit et jour de la place de la République où il est à présent persona non grata. Espérons que les évènements de cette nuit feront prendre conscience à beaucoup que sa voie est bien plus pertinente qu’ils ne veulent l’admettre, et qu’ils se poseront les bonnes questions pour comprendre pourquoi il n’a plus droit au chapitre.
Le jour où la parole sera enfin (re)donnée à Sylvain Baron ou à Etienne Chouard place de la République, marquera d’une pierre blanche l’aboutissement de la vraie convergence des luttes tant appelée de leurs vœux par les organisateurs de la « Nuit Debout », mais malheureusement pas toujours suivie par eux-mêmes. Et à l’inverse, le risque majeur reste que tout cela soit récupéré par notre oligarchie pour créer un Syriza, ou un Podemos à la française, voies que l’on sait aujourd’hui être des impasses…
La vidéo de notre reportage sur les lieux de cette virée nocturne est en cours de montage et devrait être publiée ce dimanche.
Nico Las (TDH)
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