Merci à Maurice Audin, assassiné en juin 1957 en Algérie. Par Robert Charvin

Source : Robert Charvin, 17-09-2018

La guerre d’Algérie a été une grande école politique pour toute une génération. Pour les « appelés » de l’armée française que l’on associait au « sale boulot », comme les « corvées de bois », lorsqu’on exécutait des prisonniers algériens ; celles des étudiants « sursitaires », menacés d’être expédiés en zone de guerre s’ils étaient fichés comme anticolonialistes ; celles des citoyens qui ont découvert le sort réservé aux peuples du Sud lorsqu’ils contestaient leur subordination à des métropoles sans scrupules.
A tous, cette sale guerre, qui aurait pu être évitée par la négociation, a permis d’apprendre très vite ce qu’une « démocratie » est capable de faire par-delà ses discours libéraux ; ce qu’est le racisme, particulièrement anti-arabe, dans une République qui pourtant depuis plus d’un siècle administrait des populations arabo-musulmanes en Afrique du Nord et prétendait diffuser dans le monde entier un message d’humanité ; cette guerre a enseigné aussi qu’une fraction de l’armée, douze ans seulement après le combat contre le nazisme, était susceptible d’user de la torture et de massacrer sans discriminations pour servir la cause coloniale, tout comme l’armée du Chili en 1973 contre les communistes et leurs alliés. On a appris qu’une masse de citoyens apathiques pouvait tout tolérer sans protester ou même chercher à ignorer. Cette longue guerre (qualifiée « d’opération de police et de pacification ») nous a enseigné aussi, survenant après le massacre de Sétif en 1945, véritable début de la guerre d’Algérie, que les politiciens de droite (et pas seulement de la droite extrême) et les prétendus « socialistes » (à l’époque de la SFIO dont le secrétaire général était Guy Mollet, premier ministre en 1956-1957, avant de céder la place au Radical Bourgès-Maunoury et aux Socialistes Lacoste et Max Lejeune) ne craignaient pas les mensonges d’État : au nom du rétablissement de la paix. Les trois ministres ont autorisé l’emploi de la torture dans la recherche du renseignement. Les Ordonnances du 8 octobre 1958, 12 février 1960 ont en effet supprimé la plupart des droits protecteurs des justiciables en Algérie pour offrir à la police et à l’armée toutes facilités pour pratiquer « légalement » la torture et favoriser les « disparitions ».
Combien de magistrats aussi se sont faits complices du « système », selon la qualification du Président Macron dans les procès concernant par exemple Djamila Bouhired, Badech Ben Hamdi, Henri Alleg, sans compter les 3.000 Algériens « disparus » durant la seule « Bataille d’Alger ».Lire la suite

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