Marjan Teeweun au cœur de la maison Shaath dans la bande de Gaza en décembre 2016. L’installation joue sur les passages de lumière que permet la reconstruction partielle et éphémère de l’édifice.
Tuiles en colonne, tiges métalliques et béton mêlés sur un terrain de la bande de Gaza. L’œuvre créée sur et à partir des ruines de la maison d’Abou Ahmed Shaath par l’artiste néerlandaise Marjan Teeuwen, redonne avant tout de la hauteur, une armature et de la structure à ce qui a été éventré et aplani par les bombes.
De l’ordre au sein du chaos
La maison Shaath, du nom de son propriétaire donc, porte les stigmates de la guerre ayant ravagé Gaza durant l’été 2014. Elle avait alors été partiellement détruite par un tir d’artillerie israélien. L’œuvre de Marjan Teeuwen n’efface pas les marques de la destruction. Elle les utilise pour élever de l’ordre au sein du chaos.
D’ordinaire, cette artiste de 52 ans travaille dans des bâtiments destinés à la destruction, en Russie comme aux Pays-Bas ou en Afrique du Sud. L’exposition de l’œuvre réalisée dans la maison Shaath a pu voir le jour grâce à une collaboration avec des artistes palestiniens et le croissant rouge.
« Venir à Gaza marque une nouvelle étape. Pour la première fois, je travaille dans un immeuble qui a déjà été détruit par la guerre », a-t-elle déclaré. « La guerre, c’est le chaos total (…) On voit ici l’endroit où est entrée la bombe », explique-t-elle aux visiteurs. « J’ai donc mis toutes les pièces, les petites pierres et les ordures en ordre ».
Le montage de cette exposition est le fruit d’une collaboration de trois mois entre Marjan Teeuwen, le croissant rouge et des artistes palestiniens. Telle est sa perception de la métamorphose engendrée par son par son travail :
La maison « a été bombardée, ce qui est négatif, mais je pense avoir réussi à en faire quelque chose de positif. Pour l’instant, il n’y a plus de chaos. »
Une invitation et un hommage aux Palestiniens
Son assistant Mohamed Abu Dagga a exprimé son propre point de vue quant à la signification et à la mission de cette œuvre. Pour lui, elle « doit envoyer un message au monde » sur la souffrance des habitants de la bande de Gaza.
« Malgré le blocus et les guerres, le peuple palestinien aime célébrer l’art, la beauté et la vie », explique-t-il.
Selon l’agence des Nations unies en charge des réfugiés palestiniens (UNRWA), le conflit de l’été 2014 entre le Hamas et Israël aurait causé la mort de 2251 Palestiniens, 73 Israéliens et la destruction partielle de plus de 120 000 maisons. Chris Gunness, porte-parole de l’UNRWA, déclare qu’environ 71 000 habitations auraient été restaurées et 57 000 attendraient toujours d’être réhabilitées.
« Mon message s’adresse aux Palestiniens afin qu’ils viennent visiter cet endroit et admirent sa beauté », a également déclaré Marjan Teeuwen.
Détournement d’une affiche de propagande sioniste des années 1930 par les artistes jumeaux Ahmed et Mohamed Abu Nasser, œuvrant sous les noms d’emprunt d’Arab & Tarzan
La bande de Gaza est un territoire de 41 km de long, oscillant en largeur entre 6 à 12 km. 1,9 million d’habitants s’y entassent sur 360 km². Entre 2006 et 2007, des tensions entre le Hamas et le Fatah ont provoqué des centaines de morts parmi les civils. À la suite de ce conflit interne, le Hamas a pris le pouvoir sur Gaza en juin 2007. Il l’a conservé depuis lors. La même année, le gouvernement d’Israël a déclaré que Gaza tout entière « territoire hostile ». En 6 ans, ce territoire minuscule a essuyé 3 guerres. Il est soumis depuis 10 ans à un blocus israélien. L’Égypte quant à elle, seule ouverture sur le monde non contrôlée par Israël, garde sa frontière fermée en quasi-permanence.
Rebâtir ce qui fut anéanti
Les bombes larguées régulièrement par les F-16 israéliens creusent des cratères un peu partout dans le paysage de Gaza. Les bombardements hantent la mémoire des vivants comme le repos des morts, puisque les obus détruisent les cimetières et retournent les tombes, à proximité des maisons, des églises et des mosquées.
L’œuvre de Marjane Teeuwen n’a pas vocation à remplacer le foyer d’Abou Ahmed Shaath. Une fois l’exposition achevée, elle sera démolie. À sa place, Abou Ahmed Shaath rebâtira sa maison.
Galil Agar
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